Attentats de 2015 : Inefficacité de la chaîne de gouvernance et Incompétence au sommet de l’État


Écrit le 15 Novembre 2020 et publié après réflexion et corrections le 15 décembre 2020

Le 13 Novembre 2020 au soir, j’ai regardé un film sur les attentats de 2015 sur CNEWS et j’ai écrit sur le vif mes réactions car ce film a réveillé en moi le ressentiment que j’avais pu avoir lors de ces évènements vis-à-vis de notre système de gouvernance qui a culminé le soir de l’attentat du Bataclan et le lendemain dans la prise en charge des blessés survivants.

J’ai attendu avant de le publier car je ne voulais pas réagir de façon impulsive mais le recul n’a fait que me confirmer dans l’analyse que j’avais eu en temps réel les 13 et 14 Novembre 2015, analyse que j’avais publiée sous forme de questions à cette époque sur les réseaux.

J’ai été fortement impressionné de revoir ces évènements qui ont marqué un tournant dans le terrorisme sur notre territoire, sans avoir tout de même la dimension de ce qui s’est passé à New York en septembre 2001 avec le crash de ces deux avions qui ont détruits les Twin Towers du World Trade Center provoquant la mort de 2750 personnes.

C’est un mélange d’émotion et de colère rentrée qui m’a scotché devant l’écran de ma télévision en écoutant le témoignage des survivants et des personnages politiques qui se sont succédés, en particulier celui de François Hollande, qui a été particulièrement mis en avant, confirmant lui-même la complexité de la chaîne de commandement de l’État français, et même son inefficacité, et dans ce cas précis sa propre incompétence au sommet de l’État.

La chronologie et le caractère imprévisible des attentats qui ont marqués cette année 2015 ont été très bien expliqués depuis le massacre des journalistes de Charlie Hebdo par les frères Kouachi le 7 Janvier 2015 et leur cavale jusqu’au dénouement final deux jours plus tard avec au même moment la prise d’otages dans l’Hyper Cacher, puis des attentats du 13 Novembre où la providence a sauvé les spectateurs du Stade de France alors que les convives de plusieurs cafés parisiens se faisaient mitrailler à mort avec le summum de l’horreur au Bataclan qui donnait ce soit là un concert du groupe de rock américain Eagles of Death Metal.

En effet, ce film a été très bien réalisé, mais c’est avant tout un documentaire et il faut prendre du recul par rapport à la réalité, en particulier pour ce qui s’est passé au Bataclan, car plusieurs faits majeurs n’ont pas été montrés ni expliqués, notamment le retard très important de l’intervention des forces de l’ordre. Cela est d’autant plus important que ce genre de film peut devenir la vérité alors qu’elle a été tronquée écartant les vraies responsabilités et permettant même de magnifier les principaux responsables.

Le témoignage de la mère de Victor était particulièrement poignant. Celui des survivants du Bataclan permettait de se rendre compte de l’atmosphère irréelle dans laquelle ils étaient plongés alors que détonations et hurlements avaient remplacé la musique et que l’odeur du sang mélangé à celui de la poudre, de l’urine et de la fiente remplissait l’atmosphère.

Il nous a été bien expliqué que l’enregistrement du concert a continué pendant tout le massacre : une bande son de deux heures, deux heures d’horreur, avec une intervention bien tardive de la police.

Le déroulement des évènements a été expliqué en détails, notamment le rôle essentiel des deux policiers qui sont intervenus de leur propre initiative avec leur simple revolver de service et qui ont réussi à éliminer le premier terroriste qui se trouvait sur la scène et dont la ceinture d’explosif a sauté.

Les derniers otages qui se sont retrouvés à l’étage ont bien expliqué que les deux autres terroristes leur avaient parlé normalement avec un calme déconcertant et qu’ils n’avaient pas pu vraiment se défendre de façon efficace, ne pouvant même pas faire exploser leur ceinture d’explosifs, ce qui semble confirmer la rumeur que leurs munitions étaient « presque » épuisées lorsque l’assaut final a été lancé.

Il n’est pas question de critiquer les forces de police qui sont intervenues dans tous ces attentats. Bien au contraire car elles ont été d’un courage exemplaire, mais l’organisation de la chaîne de commandement qui nous a été montrée, effrayante d’inefficacité comme je le pensais en suivant les évènements en direct le soir du Bataclan à la télévision.

Il nous a été expliqué qu’à chaque fois, toutes les décisions importantes, notamment d’assaut, dépendaient du chef de l’État qui les prenait entouré de ses collaborateurs. C’est bien ce que François Hollande lui-même nous a répété plusieurs fois dans ce film en mettant en avant la charge de sa responsabilité, avec un calme et presque une bonhommie déconcertante, sans commune mesure avec ses anciennes responsabilités.

Il nous a raconté comment il avait donné l’ordre d’attaquer les frères Kouachi, mais quand cet ordre est arrivé sur place, ils étaient déjà sortis de leur retranchement ayant choisi eux-mêmes de mettre en scène leur fin, jouant ainsi leur baroud d’honneur !

Lors de l’attentat  de l’épicerie Hyper Cacher, il a fallu que le chef du GIGN se déplace en voiture pour être sur place avant toute décision, alors qu’il se trouvait au contact des frères Kouachi, comme si aucun officier ne pouvait prendre une telle décision sans lui.

Que ce serait-il passé si l’embouteillage qui l’a ralenti l’avait complètement bloqué ? Comment se fait-il qu’il ait été obligé de se déplacer en voiture alors que l’urgence était absolue et que la police disposait d’hélicoptère ? Autant de questions assez évidentes !

Lors de l’attentat du Bataclan, les journalistes qui étaient sur place ont bien expliqué qu’il y avait une patrouille de militaires qui était à proximité avec des armes d’assaut et qu’ils ont eu l’ordre de ne pas intervenir et même de ne pas donner leurs armes aux policiers qui voulaient intervenir, alors que chaque seconde comptait, les morts tombant au rythme des mitraillettes des terroristes. Pourquoi?

Les journalistes nous ont aussi bien expliqué que le SAMU de Paris avait fait un exercice réel d’attentats multi-sites le matin même, ce qui pouvait être une coïncidence. Cela a même était confirmé par Marysol Touraine devant les députés. Pourquoi ?

Il faut tout simplement rappeler qu’à la même époque la ville de Los Angeles avait été mise en alerte avec un véritable couvre-feu complet à l’annonce d’un attentat qui s’était avéré une « fausse alerte ».

J’étais en train de faire ma comptabilité devant la télévision le soir du 13 Novembre 2015 quand les évènements ont été montrés en direct.

J’ai immédiatement téléphoné à l’Administrateur de garde des établissements où je travaillais, l’Hôpital Robert Debré, la Clinique La Montagne et l’Hôpital Américain de Paris. Ils n’étaient pas au courant car ils n’étaient pas devant leur télévision. Je leur ai demandé de se préparer à la réception des blessés et je me suis porté volontaire pour les rejoindre là où ma présence serait nécessaire.

Les équipes médicales d’astreinte ont été immédiatement rappelées pour recevoir les blessés en prévenant le SAMU de leur disponibilité.

J’ai dû avoir la même réaction que beaucoup de confrères. L’annonce de l’attentat a dû se répandre très rapidement et j’ai appris que la grève des médecins libéraux contre la loi de Marisol Touraine s’était immédiatement arrêtée, alors qu’elle était très bien suivie et que tous les établissements publics et privés d’Ile de France s’étaient mis en alerte maximale, rappelant leurs équipes et préparant leurs blocs opératoires.

Je n’ai pas compris, probablement comme tous les téléspectateurs, pourquoi les forces de police n’intervenaient pas alors que les commissariats tout autour étaient nombreux car il était évident que chaque seconde comptait pour sauver des vies.

Autant de secondes, de minutes et même jusqu’à deux heures pendant lesquelles l’ordre d’attaquer n’a pas été donné car, à l’évidence, la chaîne de commandement était bloquée au sommet de l’État.

Ce qui amène forcément à deux questions complémentaires :

1 – Pourquoi faut-il remonter jusqu’au Président de la République pour donner un ordre simple même s’il est très lourd de responsabilité alors que nous avons des officiers de police et de gendarmerie qui sont parfaitement capables de prendre une telle décision ?

2 – Pourquoi François Hollande qui était alors le Président de la République a-t-il attendu aussi longtemps pour prendre sa décision ? Cela aurait pu se comprendre s’il avait eu des informations contradictoires, mais l’autre réalité qui découle de sa personnalité est qu’il n’était pas à sa place, car il faut une personne capable de prendre immédiatement une décision dans une situation d’urgence.

La suite n’a pas été mieux gérée quand les terroristes ont été neutralisés, abattus alors qu’ils avaient probablement utilisés toutes leurs munitions.

Tous les hôpitaux et les cliniques de la région parisienne étaient prêts à recevoir les blessés survivants de ce massacre, avec des blessures de guerre qui demandaient un traitement d’urgence adapté pour pouvoir les sauver et éviter des mutilations.

Les hôpitaux militaires ont assuré car ils étaient bien préparés. Les hôpitaux de l’Assistance Publique choisis par la Direction du SAMU selon le « Plan blanc » qui avait fait l’objet d’un exercice le matin même ont été submergés, en tout cas les urgences des deux hôpitaux principaux qui ont été La Pitié-Salpétrière et Georges Pompidou.

La réaction des équipes a été exemplaire mais il suffit de regarder les chiffres publiés par l’AP-HP pour se rendre compte que la répartition des urgences les plus graves a été concentrée seulement sur quelques hôpitaux alors qu’elle aurait pu être faite de façon plus large aussi bien vers tous les hôpitaux publics de la région qui sont nombreux mais aussi vers les hôpitaux et les cliniques privées qui étaient prêts avec des équipes chevronnées.

Les interventions télévisées du Professeur Philippe Juvin, chef de service des urgences de l’Hôpital Georges Pompidou (HEGP), le 14 Novembre et les jours suivants, ont été des témoignages démonstratifs, expliquant qu’il avait été prévenu à 23 h que le « Plan blanc » avait été déclenché et que la vague des blessés était arrivée seulement vers 3 heures du matin, avec très vite un manque de matériel et de soignants compensé heureusement par une arrivée quasi spontanée de médecins généralistes du voisinage et d’anciens internes pour les aider, sans envisager à aucun moment la possibilité de transférer ou de demander au SAMU d’envoyer les blessés directement vers d’autres établissements, ou des cliniques privées !

C’est seulement le lendemain dans l’après-midi que certains blessés ont été transférés secondairement dans d’autres établissements pour être opérés.

Silence radio et télévisé sur cette organisation alors que Marisol Touraine, la Ministre de la Santé au moment des évènements, a remercié tous les professionnels de santé de leur réaction devant les Députés à l’Assemblée Nationale le 18 Novembre, tout en faisant passer sa loi quelques jours plus tard, loi qui enfonçait encore un peu plus le clou contre la médecine libérale avec la généralisation du tiers payant et paupérisant l’organisation de notre système de soins, notamment de l’Hôpital Public avec la création des Groupes d’Hospitalisation de Territoires (GHT) sans cacher ses objectifs de rentabilité sous prétexte d’une meilleure organisation territoriale, aggravant encore les effets délétères de la loi HPST de Roselyne Bachelot, avec les conséquences qui se sont fait cruellement sentir tout récemment lors de la pandémie du COVID-19, car sa gravité a surtout été due à la carence en moyens de l’Hôpital public et comme toujours de l’hospitalo-centrisme de l’administration oubliant presque complétement les établissements privés qui avaient pourtant été réquisitionnés dès le début de la crise sanitaire.

« Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, je veux avec vous, de nouveau, saluer le professionnalisme exceptionnel, remarquable, de tous nos professionnels de santé, depuis ceux qui sont intervenus avec le SAMU jusqu’aux professionnels hospitaliers qui, aujourd’hui encore, prennent en charge des victimes. En effet, à l’heure où je vous parle, 195 personnes sont encore hospitalisées à la suite des attentats de vendredi dernier – et je ne compte pas les victimes des événements de ce matin – ; 41 personnes sont toujours en réanimation et, pour trois d’entre elles, le pronostic vital est engagé.
Je veux donc saluer la réactivité, l’excellence, le professionnalisme de nos hôpitaux, ainsi que les gestes de solidarité des professionnels, libéraux et publics, y compris ceux qui n’étaient pas directement requis sur le terrain.
Je veux vous dire, monsieur le député, que notre système de santé est un des meilleurs qui soient. Ce n’est pas comme la démocratie, pour reprendre la formule de Churchill. Il a fait montre de son extraordinaire capacité d’adaptation et de réactivité. Et d’ailleurs, jour après jour, nous faisons en sorte que son excellence soit préservée.
Savez-vous, monsieur le député, que, le matin même du vendredi 13 novembre, il y avait un exercice associant les hospitaliers, le SAMU et les pompiers pour faire face à d’éventuels attentats ?

Monsieur le député, vous m’interrogez sur le projet de loi relatif à la santé. De nombreux parlementaires souhaitant être présents dans leur circonscription pour des hommages, vendredi en particulier, nous avons pris la décision de reporter l’examen de ce texte au début de la semaine prochaine. Je crois qu’ainsi l’esprit de concorde pourra nous rassembler. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) »

Comment ne pas penser, en connaissant la centralisation des pouvoirs, qu’elle n’ait pas été partie prenante dans l’organisation du traitement des blessés de l’attentat du Bataclan avec une arrière-pensée politique pour empêcher les libéraux de démontrer leur efficacité en complément de l’hôpital public ?

En tout cas c’est ce que j’ai pensé immédiatement comme tous les soignants qui se sont portés immédiatement volontaires et qui ont rejoint leurs blocs opératoires sans rien voir venir.

Pour la dédouaner, il est tout de même possible que le SAMU et la Direction de l’AP-HP aient tout simplement suivi le « Plan blanc » qui avait fait l’objet d’une répétition sur le terrain le matin même, comme le démontre tous les textes officiels publiés par la suite. En tout cas cela n’a pas servi de leçon et ce « Plan blanc » n’a pas dû être modifié car les mêmes erreurs ont été reproduites cette année lors de la « Première vague du Covid-19 par les ARS, oubliant complètement que les établissements privés existaient alors qu’ils avaient été réquisitionnés et obligés d’arrêter toute leur activité programmée.

Finalement je n’ai pas été appelé dans les trois établissements où j’aurai pu opérer si cela avait été nécessaire, par contre j’ai passé plusieurs jours à contacter les hôpitaux et la morgue à la recherche du frère d’une amie, fleuriste à la Trinité sur Mer. Son frère avait disparu ce soir-là et il n’était pas répertorié parmi les victimes. Ce sont ses tatouages qui ont finalement permis de le retrouver trois jours plus tard à la morgue car il était méconnaissable.

En tout cas, c’est bien un sentiment d’écoeurement et d’impuissance qui m’a envahi quand j’ai regardé le 27 Novembre à la télévision la cérémonie d’hommage national aux victimes organisée dans la cour de l’hôtel des Invalides.

Pour moi, le principal responsable de ce gâchis s’était mis en scène en siégeant seul, en avant du premier rang.

J’ai été surpris à l’époque que le ridicule du personnage ne soit pas souligné mais il est vrai que le moment était au recueillement et à la concorde nationale autour des familles des victimes.

En fait je n’ai rien de personnel contre François Hollande, mais il est pour moi la caricature de ces hommes qui nous gouvernent, certes très intelligents (peut-être trop) et très doués dans l’art oratoire avec des discours magnifiques et des promesses qui sont très rarement tenues, formés à l’ENA qui est une école d’administration et non pas de commandement, et en plus très probablement adeptes pour la grande majorité de la Franc-maçonnerie où l’on apprends à écouter avant de parler et d’agir avec un compagnonnage qui s’est transformé en une obligation d’arrangements et d’obéissance à la hiérarchie, autant de critères incompatibles avec l’esprit de décision dans l’action qui est indispensable pour gouverner, surtout en cas d’urgence et en période de crise, qualité innée qui n’est pas donnée à tout le monde et qui demande de toute façon une expérience du terrain indispensable à la gestion du risque.

Nous sommes nombreux à faire cette analyse et je serai resté « sagement » ou « prudemment » silencieux si je n’étais pas persuadé qu’il faut tout faire pour réagir devant cette inertie qui embarrasse notre gouvernance depuis trop longtemps car de mon point de vue, en tout cas depuis que ma conscience politique a été vraiment éveillée dans les années 1980 par mes responsabilités hospitalières, ce sont toujours les mêmes personnages politiques que l’on retrouve au pouvoir et les mêmes erreurs lors des grandes crises.

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