Pour redonner de l’attrait à la médecine et améliorer la qualité des soins tout en limitant les dépenses de Santé, il est nécessaire d’inventer un nouveau mode de rémunération. Voici 14 propositions pour un système plus responsable et plus valorisant.
Le mode de rémunération des médecins est probablement l’une des raisons principales de la désaffection pour la médecine libérale qui touche l’ensemble du corps médical, et pas simplement les médecins généralistes dans les déserts médicaux. Comme exemple, il faut savoir qu’en 2009, un seul cardiologue s’est installé à Paris et qu’il n’y a eu aucun chirurgien général. Il faut absolument inventer une nouveau système plus responsable et plus valorisant correspondant à la pratique quotidienne.
La convention de l’UNCAM de décembre 2006 n’a pas modifié la nomenclature des consultations pour la consultation de base du médecin généraliste et du médecin spécialiste, c’est-à-dire du C et du CS dont le tarif conventionnel est de 23 Euros dans les deux cas.
Par contre elle a modifié profondément l’attribution du C2 (tarifé le double d’un C soit 46 Euros) et du C3 (tarifé le triple d’un C soit 69 Euros), ceci dans l’indifférence et bien souvent dans l’ignorance des intéressés.
Les médecins spécialistes étaient habitués depuis longtemps à la cotation en C2 et en C3 lors d’une première consultation, pour les patients adressés par un médecin traitant, et éventuellement pour le suivi avec un délai de plus de un an. Le C2 était accordé aux « anciens Chefs de Clinique Assistant des Hôpitaux Universitaires », et le C3 aux « Professeurs des Universités et Praticiens hospitaliers en exercice dans un CHU », c’est-à-dire aussi bien aux PH temps plein, que temps partiel qui pouvaient utiliser cette cotation à l’hôpital ou en dehors dans le cadre de leur activité libérale respective.
Plutôt qu’un mode de rémunération spécifique, c’était à la fois la reconnaissance d’une compétence supplémentaire du consultant, et la possibilité pour le patient d’obtenir le meilleur avis, à priori facteur d’économie en dépenses d’examens complémentaires et de soins. Cela correspondait à une bonne pratique déontologique, puisque le médecin traitant, généraliste ou d’une autre spécialité, continuait à prendre en charge son patient pour le suivi dans son domaine de compétence. Les conditions d’application ont été complètement modifiées avec la dernière convention.
Une nouvelle réglementation sans explication économique
Depuis décembre 2006, le C2 a été élargi à tous les médecins spécialistes, anciens internes de CHR et titulaires d’un CES ou DES, et à tous les chirurgiens quel que soit leur diplôme, alors que le C3 a été réservé aux seuls Professeurs des Universités. C’est à la fois une dévalorisation de la compétence clinique des Praticiens hospitaliers tout à fait injustifiée et une perte financière pour les CHU.
Les conditions d’application restent très limitatives pour les spécialistes, car si la condition préalable de un an a été passée à 6 mois (il faut « ne pas avoir reçu le patient dans les 6 mois précédant la consultation »), il devient quasi impossible d’assurer un suivi correct puisqu’il faut« ne pas avoir à recevoir à nouveau le malade pendant les 6 mois suivants », ce qui est imprévisible et contraire à la prise en charge du patient par un spécialiste même en collaboration avec le médecin traitant.
Cette nouvelle réglementation n’a pas fait l’objet de discussions préalables avec les syndicats de spécialistes, notamment de chirurgiens. Elle a été publiée dans l’indifférence générale, même celle des syndicats concernés, pourtant censés nous défendre et nous informer, alors que nul n’est censé ignorer la loi.
C’est une fois de plus une attaque directe de la reconnaissance de la compétence acquise lors d’un Clinicat des hôpitaux et de celle des Praticiens hospitaliers exerçant en CHU, qu’ils soient temps plein ou temps partiel, car ils ont la même compétence clinique que les Professeurs des Universités étant confrontés aux mêmes contraintes de soins et de réflexion, bien souvent de recherche et d’enseignement, même si elles ne sont pas reconnues officiellement.
De façon surprenante, il n’y a pas d’explication économique au choix de cette nouvelle réglementation, car si elle enlève l’attribution du C3 aux PH en CHU qui sont relativement peu nombreux, elle étend l’application du C2 à tous les spécialistes, aussi bien en libéral qu’à l’hôpital, et demain à tous les médecins généralistes, ce qui reviendra à sa disparition de fait. Le C2 a même était donné à tous les chirurgiens, même en l’absence de formation complémentaire universitaire en CHU.
Peut-être faut-il y voir plutôt des raisons idéologiques de nivellement des compétences et des rémunérations vers le bas. Il faut probablement y voir l’influence des syndicats de médecins généralistes qui veulent absolument faire reconnaître la médecine générale comme une spécialité à part entière, alors que leur objectif premier devrait être la reconnaissance de leur service rendu par une réelle revalorisation du C. Mais aussi celle des directeurs des hôpitaux généraux qui veulent éviter les différences de rémunération entre les consultations des Praticiens hospitaliers anciens chefs de clinique et les spécialistes étrangers qu’ils sont obligés de titulariser en grand nombre alors qu’ils n’ont pas été chefs de cliniques ou équivalent dans des hôpitaux universitaires, même européens.
Encore une fois le C2 et le C3, ne devraient pas être avant tout un moyen de rémunération, mais une reconnaissance de compétence. Il est vrai que certains ont pu en abuser dans leurs honoraires, en faisant à cette occasion un dépassement d’honoraire proportionnel par rapport à leurs honoraires habituels. En fait la grande majorité d’entre nous ne modifient pas leurs honoraires lors d’un C2 ou un C3, permettant ainsi à leurs patients d’être mieux remboursés, ce qui facilite l’accès aux meilleurs soins en libéral, et encore une fois de faire des économies importantes en examens et en soins.
Une nouvelle convention va être négociée. Les élections syndicales récentes vont permettre aux spécialistes, et en particulier à ceux qui travaillent dans un bloc opératoire, de se faire entendre au sein du concert syndical.
Les syndicats de médecins généralistes restent très influents politiquement de par le nombre de leurs adhérents. Pour le moment, ils ont fait le jeu des pouvoirs publics en alimentant la zizanie avec les autres spécialités médicales, et en particulier en participant à la dévalorisation de la chirurgie et de l’anesthésie. Ils se sont trompés en voulant faire reconnaître la médecine générale comme une spécialité avec une formation universitaire prolongée. Il faut probablement y voir l’influence de quelques uns qui rêvent de devenir Professeurs des Universités en Médecine générale ou qui ont vécus comme un échec leur orientation en Médecine générale. Ils se font complices de ceux qui veulent dévaloriser la formation médicale à la Faculté et exploiter les jeunes internes avec un statut d’étudiant.
14 propositions pour un système plus responsable et plus valorisant
- Le salariat des étudiants en médecine permettrait de compenser l’obstacle financier, donc social, de la longueur des études en Médecine. Cela fait plus de vingt ans que je défends le salariat des étudiants en Médecine, dès la première année après le concours d’entrée, avec une prise en compte dans les carrières hospitalières et pour les retraites, et en échange un rendu au service public à l’hôpital ou en dispensaire.
- C’est le Diplôme de Docteur en Médecine qui devrait conclure la formation en Faculté de Médecine, comme autrefois, avec une thèse soutenue immédiatement à la fin d’un an de stage, sous la conduite d’un tuteur soit à l’hôpital, soit dans un dispensaire soit dans un cabinet, éventuellement en temps partagé. Cela permettrait aux internes des hôpitaux d’être considéré comme des médecins à part entière comme autrefois, et non pas de simples étudiants comme aujourd’hui.
- Le médecin généraliste peut s’installer à la sortie de la Faculté de Médecine, ce qui lui permet d’avoir une rémunération bien meilleure que celle d’un simple Interne des Hôpitaux et de prendre 5 à 10 ans d’avance pour les cotisations retraites et les investissements professionnels, par rapport à ceux qui restent en formation à l’hôpital pour faire une spécialité.
- L’intérêt des médecins généralistes n’est pas de se battre pour se faire reconnaître comme une spécialité contre les spécialistes, mais bien de revaloriser le C qui est la base de la rémunération de tous les médecins.
- Il faut revaloriser l’ensemble des médecins sur la base du temps passé et de la compétence avec comme référence la formation universitaire et les services rendus hospitaliers.
- Cela mérite une réelle revalorisation du C et du CS, avec un minimum de 40 Euros pour le C et de 60 Euros pour le CS, à condition que cela corresponde d’une part à une consultation complète avec un rapport remis au patient et d’autre part un minimum de temps qu’il faudrait définir.
- En retour un médecin ne devrait pas pouvoir dépasser un maximum de C ou de CS qui serait à définir de façon journalière ou hebdomadaire, pour des raisons de sécurité et d’honnêteté.
- Le simple renouvellement d’ordonnance sans consultation devrait être côté séparément, sur la base de 10-12 Euros quelque que soit la spécialité, sans compter le prix du timbre et de l’enveloppe en cas d’envoi par la poste qui devrait être à la charge du patient.
- La consultation à domicile devrait être cotée de la même façon qu’au cabinet, par contre le temps et le coût du déplacement devrait être comptabilisé en plus sur la base du prix du taxi de la même région, majoré par un coefficient de valorisation du temps médecin par rapport au temps du chauffeur de taxi.
- Le temps passé la nuit ou les jours fériés devrait entrainer une multiplication du prix de la consultation au moins par 2.
- Les consultations permettant de traiter plusieurs pathologies devrait être valorisées car elles prennent forcément plus de temps, avec une lettre clé à rajouter à la cotation de la consultation, par exemple un M avec un facteur multiplicateur de 50%, aussi bien pour le C ou le CS, que pour les premières consultations.
- La première consultation devrait aussi être valorisée, car elle est forcément plus longue si l’on veut connaître complètement son patient, ne serait-ce que par l’interrogatoire qui est fondamental pour découvrir le mode de vie et souvent le facteur déclenchant de la ou des pathologies responsables de l’état du patient, ce qui est le meilleur moyen de faire des économies en examens complémentaires trop souvent inutiles. Cela pourrait être fait en rajoutant le chiffre 1 ou la lettre P à la cotation de la consultation, avec un facteur multiplicateur de 20%.
- La formation universitaire et l’expérience acquises par les Praticiens exerçant en CHU, doivent absolument être reconnues et valorisées. Pour cela il faut réactualiser les anciennes cotations C2 et C3 en CS2 et CS3, en les limitant de façon stricte aux anciens chef de cliniques assistants des hôpitaux universitaires pour le CS2 avec un facteur multiplicateur par 2 du CS, et à tous les Praticiens hospitaliers exerçant en CHU avec un facteur 3 du prix du CS. Cette cotation devrait être appliquée seulement en cas de consultation réclamée par un autre médecin, à condition de faire l’objet d’un rapport adressé à ce confrère et au médecin référent si il est différent, sans aucune obligation pour le suivi ultérieur quand le traitement ne peut être réalisé et surveillé que par le spécialiste en question. Elle pourrait être réutilisé dans les mêmes conditions pour une nouvelle pathologie et/ou avec un délai de au moins un an entre deux consultations. De toute façon, il est évident qu’en bonne pratique, le spécialiste a intérêt à renvoyer le patient au médecin traitant pour le suivi de base, éventuellement en alternance avec lui.
- La prescription de certains examens complémentaires complexes et coûteux devrait être réservée aux seuls spécialistes compétents, notamment de Scanner et d’IRM, ainsi que la prescription des médicaments coûteux et potentiellement dangereux, et du grand appareillage (orthèse et prothèse). Il faut en finir avec l’omniscience et l‘omni-compétence du Diplôme de Docteur en Médecine qui ne correspond plus à la pratique courante depuis longtemps
Ce sont à mon avis, les meilleures solutions pour donner à notre métier la juste reconnaissance de la population et pour attirer les jeunes tout en leur donnant envie de s’installer partout en France, même dans les régions défavorisées. C’est en donnant du temps aux soignants que l’on pourra améliorer la qualité des soins tout en limitant les dépenses de Santé, car cela permettra d’empêcher la gabegie des examens et des traitements excessifs.
Publié le 30/11/2010
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