Les médecins sont au centre du débat


Ce sont les médecins praticiens qui génèrent les dépenses de santé par leurs actes et leurs prescriptions que cela soit au cabinet, en clinique ou à l’hôpital.

Les médecins ont une obligation de moyens qui les pousse vers une consommation de plus en plus importante, d’autant que cette obligation de moyens dérive actuellement à tort vers une obligation de résultats et une responsabilité objective, avec ses conséquences pénales et financières.

Cette fuite en avant est aggravée par la formation des médecins qui privilégie les scientifiques au détriment des littéraires et la technique au détriment des soins et du social. Elle est aggravée par les contrôles imposés par les tutelles qui privilégient les résultats immédiats au détriment du long terme. Elle est aggravée par le système de remboursement qui privilégie la quantité au détriment de la qualité. Elle est aggravée par le besoin d’une rémunération minimum qui influence de façon plus ou moins consciente la pratique quotidienne des praticiens.

Le tarif conventionnel de la consultation d’un médecin généraliste, ou d’un médecin spécialiste, est tout simplement ridicule quand on le rapporte au temps nécessaire pour faire correctement le travail demandé, c’est-à-dire écouter, expliquer, soigner, faire un dossier médical correct, communiquer les informations aux familles et aux médecins traitants.

La rémunération de l’activité chirurgicale est encore plus ridicule, avec un tarif conventionnel qui comprend à la fois l’intervention elle-même et le suivi post-opératoire gracieux pendant trois semaines. Il ne tient même pas compte de l’aide opératoire qui est complètement oublié alors que sa présence est essentielle et que la réglementation fait obligation d’avoir comme aide un infirmier spécialisé diplômé de Bloc opératoire.

 L’argumentation des gestionnaires de la Sécurité sociale qui est de dire que le médecin ou le chirurgien va se rattraper sur la moyenne de ses actes est complètement irréaliste et irresponsable. Un tel système est forcément générateur d’inflation des dépenses en jouant sur la quantité au détriment de la qualité.

Cette tarification provoque une multiplication des consultations, des examens complémentaires et des prescriptions pour avoir le temps de réfléchir et pour conserver le client. Elle entraîne une multiplication des actes chirurgicaux simples et bien côtés d’autant que les gestionnaires veulent une activité pour rentabiliser les investissements du plateau technique. Elle entraîne des rythmes de travail parfois dangereux au détriment de la qualité du service rendu, mais aussi de la santé et de la vie familiale de l’intéressé, ainsi que de ses possibilités de formation complémentaire.

Il serait fastidieux de faire la liste des excès qui peuvent êtres retrouvés dans les publications scientifiques mais aussi dans les journaux d’informations destinés au grand public. Il est évident que la nomenclature influe sur les indications et les pratiques trop souvent au détriment du patient et de l’intérêt général.

 Il faut savoir que le temps moyen d’une consultation médicale ne dépasse pas les cinq minutes dans les pays européens où la médecine est nationalisée où contrôlée de façon contractuelle. Ce temps moyen est calculé sur l’ensemble des consultations c’est-à-dire à la fois sur les vraies consultations et celles qui font seulement l’objet de renouvellement d’ordonnance parfois sans voir le patient, ou encore pire, de renouvellement d’arrêt de travail.

La politique de maîtrise des dépenses de santé qui a été faite jusqu’à maintenant ne joue que sur la quantité sans se préoccuper de la qualité. Cela veut dire une dévalorisation encore plus importante des soignants et de toute façon à terme un échec retentissant de la maîtrise, à moins de tomber dans les excès du salariat médical qui aboutira forcément au marché noir de la médecine, comme cela est arrivé dans les pays socialo-communistes de l’Europe de l’Est et plus près de nous en Angleterre, avant sa libéralisation récente.

Le seul garde-fou à ce système inflationniste est la véritable reconnaissance financière de l’acte médical et d’une façon plus générale de tous les actes de soins.

Olivier Badelon

dans « Allo Docteur, la France est malade » – Chapitre VI

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