Cette évolution de la pratique médicale devrait reposer sur un élargissement des compétences de l’Ordre des Médecins et la reconnaissance d’un Ordre pour chaque catégorie de soignant (infirmier, kinésithérapeute).
La vocation première de l’Ordre des Médecins est de faire respecter la Déontologie dans le comportement des médecins entre eux et vis-à-vis de leurs patients. Il n’a pas de compétence pour intervenir au sein de l’hôpital ce qui est bien dommage. L’élargissement de cette compétence au milieu hospitalier serait certainement un grand progrès car les problèmes relationnels y existent comme ailleurs et c’est à l’Hôpital que les jeunes générations apprennent les premières règles de déontologie en observant le comportement de leurs aînés.
L’Ordre des médecins intervient de plus en plus dans les grands débats de Société où les médecins ont le devoir d’intervenir. Il est en train de prendre une véritable dimension politique qui est tout à fait à l’honneur de ses responsables et de l’ensemble du corps médical.
L’Ordre des médecins devrait aussi intervenir de façon active dans le contrôle de la qualité des soins avec la collaboration des Sociétés scientifiques concernées, sinon les tutelles et l’administration s’en chargeront avec les dérives que cela peut entraîner.
Ces nouvelles missions vont demander un effort considérable au Conseil de l’Ordre. Il faudra lui en donner les moyens humains et financiers avec une plus grande participation de l’ensemble des médecins.
Sur le plan financier, cela suppose une augmentation conséquente des cotisations. Cette augmentation sera acceptée si elle est justifiée par une véritable participation de l’Ordre des médecins à l’avenir de la profession. Elle sera très mal vécue si elle est utilisée pour rémunérer des élus professionnels qui se seront partagé un pouvoir institutionnel autorisant un cumul des responsabilités et un renouvellement des mandats favorable aux appétits personnels.
Sur le plan humain, cela suppose un investissement réel d’un plus grand nombre de médecins. À côté des membres élus qui font acte de volontariat, il faudrait introduire des membres choisis par tirage au sort parmi les médecins en activité, avec une possibilité de refus pour convenance personnelle. Les jurés d’assises sont bien choisis parmi les inscrits des listes électorales avec une obligation morale d’accepter cette mission par civisme. Ce serait la même chose pour les médecins choisis par le hasard sur la liste des médecins inscrits à l’Ordre. Ils auraient un mandat plus court avec un rôle plus technique que les membres élus et une indemnisation financière pour leur temps passé au service de l’intérêt général. Ils ne pourraient pas se porter candidat à un poste de responsabilité pendant ce mandat non électif. Leur mandat ne serait pas renouvelable au cas où il serait de nouveau tiré au sort.
Cette participation obligatoire au fonctionnement de l’Ordre des médecins permettrait d’augmenter ses capacités tout en déclenchant des vocations ordinales parmi les plus jeunes et en responsabilisant l’ensemble des médecins.
Cette participation obligatoire permettrait de tempérer les inconvénients du professionnalisme électoral et du syndicalisme. Il suffit de voir la liste des candidats aux élections et des élus pour se rendre compte que les syndicats ont investi le Conseil de l’Ordre, pourtant leur rôle est bien différent.
La variété représentative des élus à ce Conseil de l’Ordre est certainement essentielle, mais il faudrait éviter les doubles casquettes des représentants syndicaux. Le plus simple serait de demander aux élus syndicaux de démissionner de leur poste syndical pour pouvoir déposer leur candidature au Conseil de l’Ordre.
Cette évolution du Conseil de l’Ordre des Médecins doit s’accompagner par une responsabilisation des autres soignants grâce à la création de Conseils ordinaux des Infirmiers et des Kinésithérapeutes, avec des pouvoirs et des obligations comparables dans leur limites de compétences.
Comme pour les médecins, il existe dans cette voie des possibilités de création d’emplois qui n’augmenteront pas la consommation de soins.
C’est le meilleur moyen de responsabiliser ces soignants dans la participation à l’établissement de leur nomenclature professionnelle et dans l’évaluation de la qualité des soins.
Cela suppose une véritable prise de responsabilité de ces Conseils ordinaux avec une capacité de sanction et des contrats d’objectifs définis en partenariat avec les médecins d’une part et les tutelles d’autre part. Cela n’enlève rien aux Syndicats professionnels dont le rôle prioritaire est de défendre les statuts de la profession.
Olivier Badelon
dans « Allo Docteur, la France est malade » (2002) – Chapitre XI
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