La « distanciation sociale » et le « port du masque » sont certainement très importants pour prévenir, en tout cas ralentir, diminuer le risque de contamination en cas d’épidémie.
La réaction des passants que je croise dans la rue, et parfois dans mon immeuble ou à l’hôpital, me font craindre que ces mesures aggravent encore l’égoïsme des comportements et la fâcheuse tendance à se méfier ou à ne pas respecter les autres.
Hier, dans la rue, ils étaient peu nombreux ceux qui répondaient à mon salut ou mon « bonjour », d’un sourire, d’un mouvement de tête, ou de la main. Les autres passaient dans une indifférence volontaire ou inconsciente, regardant devant eux comme des zombies.
Aujourd’hui, les sorties du confinement permettent de croiser les mêmes de façon encore plus caricaturale. Les premiers rayonnent de ce bonjour partagé comme un rayon de lumière intérieure, les autres baissent ou pire, tournent la tête, comme si mon regard seul pouvait être contagieux car j’avance masqué, alors qu’ils sont encore très nombreux à ne pas l’être.
Il est vrai que je suis médecin et que j’ai des facilités pour en avoir à ma disposition, même si elles sont récentes, alors que les autres n’ont pas cette possibilité. Cela devrait changer puisque les pharmaciens et les grandes surfaces peuvent en vendre maintenant au grand public. Nous verrons bien si cela change vraiment les habitudes.
En tout cas, il serait complètement excessif de vouloir faire porter un masque à tout le monde, jusqu’à quand, et où ?
Cette obligation de porter un masque en période de pandémie est d’ailleurs complètement paradoxale à une époque où il était devenu interdit de cacher son visage dans la vie quotidienne, en résistance à la volonté identitaire de certains religieux musulmans intégristes, qui ont fait croire que la femme devait être masquée par respect pour sa croyance en Dieu, alors que dans la vraie tradition cet usage était nécessaire pour se cacher du soleil dans le désert et du regard lubrique des hommes dans les endroits où le machisme des hommes était un comportement naturel sans contrôle sociétal.
Cela est d’autant plus important de faire cette distinction si on ne veut pas voir des comportements grégaires revenir au galop dans notre société.
Il faudra surtout se souvenir que le masque est nécessaire, sinon recommandé, voire indispensable pour les personnes qui sont malades, ou qui pensent l’être, afin de protéger surtout les autres.
En tout cas, le port du masque ne doit pas dispenser des marques indispensables de convivialité et de politesse.
Le salut est un mélange d’affection, d’altruisme, de fierté, de respect, tout simplement une impression d’exister soi-même et de faire exister l’autre.
Il y a un contraste très important entre le comportement des gens au milieu d’une foule, dans la rue ou dans les transports en commun, dans les couloirs d’une entreprise ou même d’un immeuble d’habitation et à l’opposé dans l’intimité d’une réunion familiale.
Il serait trop long d’énumérer toutes les différentes façons de saluer l’autre, ou son prochain, dans la vie courante ou professionnelle, dans la vie familiale ou encore sportive.
Le salut a pris de multiples formes en fonction des époques, des cultures, des situations.
Il a souvent été une marque de la différence sociale et il l’est encore dans les protocoles monarchiques, diplomatiques, ou professionnels.
À l’opposé il peut être une forme de rapprochement, d’affection entre des amis ou des proches d’une même famille.
Il est avant tout une marque de respect de l’autre, en particulier dans certaines joutes sportives, notamment dans les arts martiaux ; marque de respect qui remonte aux temps anciens des combats mortifères entre adversaires, symbolisée par le « Ave Caesar, morituri te salutant » des gladiateurs qui en saluant dans l’arène leur Empereur, saluaient aussi leur adversaire.
C’est avec cet état d’esprit que j’ai été élevé dès ma petite enfance dans une famille de marins où le salut est une tradition, même entre marins qui ne se connaissent pas, entre deux navires qui se croisent, aussi bien à proximité d’une côte qu’au beau milieu de l’Océan.
Je rêve d’une société où la distanciation ne sera pas sociale mais simplement raisonnablement physique, en réservant les contacts et les baisers à nos intimes, et sans contact direct pour les autres en utilisant en fonction des circonstances, les expressions et les attitudes profondément humaines qui nous avons la chance d’avoir, salut d’un geste de la tête, de la main, avec un sourire, une parole.
Dans ce sens, l’exemple a une valeur éducative dont nous pouvons user sans discernement dans notre vie quotidienne, aussi bien dans la rue, dans les transports qu’au travail.
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