Olivier BERNHEIM – Avocat au Barreau de Paris
L’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans, vieille revendication syndicale, offerte par la gauche, portait, déjà, lors de son instauration, en 82, l’annonce certaine de sa propre faillite : allongement acquis de la durée moyenne de la vie qui, à lui seul, le condamnait. Un risque de ralentissement des cotisations en cas d’aggravation du chômage ne constituait qu’un effet multiplicateur possible, et les deux rendaient par avance certain le naufrage, à plutôt brève échéance, de cette mesure populaire.
Bien sûr, certaines professions physiquement difficiles, ou les longues carrières, constituent des facteurs à prendre en compte dans une perspective de justice sociale.
La généralisation de la mesure, vécue comme une avancée, une conquête, était très populaire. Las, elle était seulement parfaitement anti-économique, et finalement de pure démagogie, offensant l’avenir.
La réjouissance aveuglée aura été de quelques courtes années : depuis au moins 20 ans, pour les plus myopes, l’on sait que le système ne peut tenir : l’augmentation du chômage est venue donner le coup de pouce qui ne manquait pourtant pas. L’on sait qu’il faut jouer sur l’allongement de la durée des cotisations, ou réduire le montant des pensions, ou encore augmenter des cotisations déjà élevées. Pas de miracle en la matière.
Et le peuple joyeux a été bercé d’illusions, permises par la cécité volontaire d’hommes politiques au courage trop bien caché, qui ont trahi les devoirs de leur charge.
Le réveil n’en est évidemment que plus amer : à trop avoir cru au miracle de l’acquisition définitive de cette conquête, les irresponsables de tout poil font croire que la mesure pourra être maintenue, au point que Marine LE PEN, qui sait ne pas être en reste de démagogie, en fait déjà ce qu’elle présente comme un engagement fort de sa campagne pour 2022. Ce n’est déjà plus un engagement, mais plutôt un argument, dont la bonne foi est fortement questionnable.
Le virement lof pour lof qu’elle a su imposer à son parti d’abandonner le « Frexit » ou la sortie de l’Euro, thèmes pourtant forts de son programme depuis des années, martelés avec conviction et force argumentaires, montre qu’elle sait, aussi bien que d’autres, ne pas être sourde à la voix de l’opportunisme le plus vil lorsqu’il permet de moissonner les votes.
Sa haute performance économique du débat de 2017 et sa volte-face récente offrent à la dirigeante du RN toutes les garanties d’incrédibilité : comme l’avait brillamment théorisé Charles PASQUA, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Le réveil, qui finit par sonner, est au bout de la crédulité.
Creuser sans cesse un déficit n’inclut pas le moyen d’échapper à ses obligations. La France exerce ce sport sans discontinuer depuis 1974.
Proposer le maintien de la retraite à 60 ans relève, en 2021, de la haute escroquerie politique, voire de l’escroquerie tout court. Le garantir…
Comme toujours, ceux qui promettent la lune ne sont pas ceux qui, au bout du compte, rattrapés par la patrouille, paient.
Quémander de se faire accorder une chance, comme le fait le RN, sur l’argument « on ne nous a pas essayés », relève encore du même miroir aux alouettes : d’abord, on les a essayés. Ceux qui ont la mémoire politique du poisson rouge seraient bien inspirés de regarder vers les années 30-40. Le résultat, qui dépasse la fiction, plaide mieux que tout autre discours. Ensuite, l’on n’est pas obligé de tout essayer : les exemples abondent de choses que l’on n’a pas envie de tenter, ou qu’il vaut mieux ne pas essayer. Celle de la démagogie populiste par exemple. Celle de la disparition de la démocratie aussi.
La promesse que l’on sait intenable du maintien de la retraite à 60 ans est de ces pratiques mensongères qui ne font pas que déshonorer le politique : elles détournent l’électeur, dégoûté de se faire duper, des urnes, et provoquent une crise grave de la démocratie.
La campagne des Régionales affichée sur la sécurité, qui ne relève pas de la compétence de ces assemblées, relève de la même démarche de spéculation trompeuse.
La sanction politique du mensonge comme viatique électoral devrait d’abord se loger dans la défaite : encore faudrait-il que l’électeur ouvre les yeux et hume le brouet infect, mais si bien maquillé, qu’on lui propose.
En annonçant, début juin 2021, des mesures douloureuses, le Président MACRON a regardé les Français droit dans les yeux, et indiqué la voie de la vérité en politique, un peu comme Winston CHURCHILL avait, en 1940, promis aux Anglais « du sang, de la sueur et des larmes ».
En démocratie, le mensonge ne devrait pas faire partie du pacte républicain.
Olivier BERNHEIM
9 juin 2021
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