Olivier BERNHEIM, Avocat au Barreau de Paris, le 24 Septembre 2021
Fallait-il un procès, au risque de permettre à Salah ABDESSLAM de faire son cirque indécent devant les victimes et leurs proches ?
Par-delà le coût pharaonique du procès, la question mérite réflexion.
Notre société, devenue trop émotionnellement victimaire, ne sombre-t-elle pas souvent dans le simulacre ? Trois balles, et c’est tout, disent ou pensent certains, un peu radicaux !
Par le nombre des victimes, directes ou collatérales, les attentats du 13 novembre 2015 ont été ravageurs : c’était bien le premier but recherché par les terroristes, le deuxième étant d’exporter une forme de talion, le troisième de montrer qu’ils peuvent frapper où et quand ils veulent. Ils n’en étaient pas encore à vouloir nous imposer le magnifique régime qu’ils promeuvent.
Il ne fallait rien attendre du procès quant aux explications des accusés : ils déclarent ce qu’ils veulent et, en bons soldats du Djihad, ne révéleront rien que l’on ne sache déjà, ou mentiront, que ce soit par intérêt, par conviction ou par provocation.
Ce procès n’a de valeur que pour les victimes.
Et c’est toute sa valeur.
Mais il présente aussi un intérêt majeur pour la plupart des citoyens, éloignés de la salle d’audience : l’insoutenable et long martyrologue des victimes nous effare, et donne une mesure très lointaine des souffrances épouvantables endurées jusqu’ici dans l’anonymat et le silence. La voix sourde de ces victimes raisonne enfin pour dire toute l’inhumanité des auteurs de ces attentats, d’attentats.
Le défilé des morts, celui des blessés, celui des rescapés, celui des morts-vivants, force le respect dans la diversité des douleurs.
A l’horreur des épreuves subies, encore actuelles, toujours vives, s’ajoute, en plus, la culpabilité des survivants. Voilà l’injustice de l’humanité dans l’inhumanité.
Même historique, il ne ressortira rien de ce procès : aucune dissuasion pour de nouveaux candidats, aucune explication des accusés, qui mentent mieux qu’ils ne respirent, et l’air ne leur fait pas défaut. Rien ne sortira de la salle d’audience que les insupportables diatribes ou provocations d’ABDESLAM à l’ouverture du procès. Le petit monstre ordinaire n’a rien à perdre.
Le décompte de l’horreur, la description orale des constatations, pour ne pas sombrer dans un voyeurisme déplacé, ont nourri un discours macabre et vertigineux qui, pourtant, était nécessaire aux victimes, et utile aux autres.
La réponse judiciaire sera inévitablement inappropriée, insuffisante, nécessairement sous-dimensionnée, par son décroché des crimes : l’assassinat de 100 personnes ne vaut pas plus que celui d’une. Magnifique justice des hommes, dans son impuissance à traiter ce genre d’exactions.
La détention des accusés, dont on perçoit mal qu’ils puissent ne pas être condamnés au maximum, avec les précautions qui l’entourent, coûte un prix fou. Et ils se plaignent des conditions de leur détention, car on leur en reconnaît le droit. La construction de la salle spéciale, des moyens de diffusion, et la durée du procès, les indemnisations, tout cela sera à fonds perdus, en ce sens que la douleur ne se refermera jamais pour ces victimes, ni pour leurs familles.
Mais elle aura été nationalement reconnue, on leur aura offert un peu d’apaisement, et c’est tout ce qui compte : on ne pourra pas faire mieux, voilà l’honneur d’une démocratie et de sa justice.
Peut-on appliquer les Lois du temps de paix à ces soldats du Djihad qui nous font une guerre lâche ?
Car l’application de ces Lois n’est-elle pas inappropriée à la matière ?
A l’évidence, oui, qu’il s’agisse de montrer une détermination, ou même de punir, puisqu’il ne s’aurait s’agir de dissuader. Mais quoi d’autre ?
Une fois les attentats commis, recourir à nos Lois, sur notre territoire, est la seule voie possible s’il reste des survivants parmi les terroristes : ne pas les appliquer nous abaisserait alors à leur niveau de barbarie, de bêtise et d’inhumanité. Ils n’auront pas notre haine, seulement notre indéfectible détermination à rejeter en bloc, et définitivement, le système barbare qu’ils veulent imposer au monde par la terreur et la violence, seules notions à eux accessibles.
La guerre, civile plus que militaire, qu’ils exportent ici ou là ne nous dispense pas, bien au contraire, de porter le fer « chez » eux, là où ils se terrent, là où ils s’implantent, là où ils règnent, là où ils squattent, là où ils tentent d’abord de répandre leur terreur, là où sont leurs bases arrière : cette petite troupe fanatique, quasiment sans visage, aux visées totalitaires, mène une guerre nouvelle. Nous ne l’avons pas choisie. Mais nous n’avons d’autre choix que de la subir, et de la lui faire aussi « chez » elle : ce n’est qu’une défense, légitime de surcroît, sauf à se soumettre, ce qu’ils voudraient bien.
Trop nombreux ont oublié la prophétie glaçante de Houari BOUMEDIENE, Président de la République algérienne, prononcée non au hasard d’un propos d’après boire, mais très solennellement à la tribune de l’ONU, en 1974 : « Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère sud pour aller dans l’hémisphère nord. Et ils n’iront pas là-bas en tant qu’amis. Parce qu’ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront avec leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire. »
Presque 50 ans ont passé. Le futur nous a rattrapés.
La déclaration de la IIIème guerre mondiale, sous forme d’une action d’éclat combien plus parlante, a été faite le 11 septembre 2001.
Tel est aussi le déséquilibre déloyal que les terroristes nous imposent : ils ne présentent pas de vrai flanc sur lequel frapper, alors que nous offrons partout des cibles ouvertes.
Et c’est ça la guerre 2.0 qu’ils ont cyniquement conçue pour étendre sur le monde le voile islamique de leur totalitarisme : la technologie au service du terrorisme, qui permet de faire des ravages avec des moyens humains et matériels assez réduits.
Moins que précédemment, et même s’il a changé de visage et de méthode, le totalitarisme ne se combat pas avec de bons sentiments : et nul n’est à l’abri des menées terroristes. Quoi que l’on puisse espérer, le dialogue n’est pas non plus une réponse possible à des gens pour qui dissimulation et mensonge sont des instruments sacrés au service de leur cause fanatique, et ne comprennent que la force et la violence.
Pourtant, d’aucuns feignent encore de l’ignorer, d’autres, bisounourses, de croire à un dialogue possible.
Vouloir faire ami-ami avec le totalitarisme relève de la bêtise pure.
Comme il n’existe pas de solution finale à mettre en place, d’armée constituée à écraser, d’Etat avec qui faire la paix, le cantonnement des fanatiques sur leurs terrains d’entrainement, en s’efforçant de limiter l’expansion qu’ils promeuvent, en s’attachant à réduire leurs zones d’ébats, éliminer leurs missionnaires, seront le seul paravent utilisable. C’est bien une guerre qu’ils mènent. Ils le revendiquent ouvertement.
Au moins, sur ce point, peut-on les croire.
Baisser la garde serait une faute funeste.
La FRANCE ne doit pas devenir une forme de terre d’asile obscur de l’islamisme. C’est parce qu’à leurs yeux conscients elle constitue la menace d’être son tombeau qu’ils nous agressent : seule la fermeté dans l’unité pourra nous sauver. Et le prix à payer sera individuel et collectif.
Mais, quelque efficaces que seront les opérations, aussi serrées seront les mailles du filet, elles resteront toujours trop lâches pour former un infranchissable barrage aux ruses des hommes, démultipliées par les progrès des technologies.
Les pêcheurs ne remisent pas le filet, ou ne renoncent pas à la pêche, s’ils rentrent bredouilles.
Une épuisante longue course de fond : voilà ce que l’on nous impose.
Ce procès fleuve ne sera qu’une étape.
Olivier BERNHEIM
24 septembre 2021
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