Tous les médecins retraités sont concernés par « les déserts médicaux »


Conférence interactive

organisée par Maurice Leton et le Collège des Retraités de la CARMF d’Ile de France

Amphi Rabelais 2 à la Faculté de Médecine des Saints Pères le Jeudi 6 avril à 14H30

Olivier Badelon*

*Ancien Praticien hospitalier à l’Hôpital Robert Debré, Chirurgien orthopédiste pédiatrique, Professeur au Collège de Médecine des Hôpitaux de Paris, membre fondateur de la Fondation Hôpitaux de Paris

Les médecins retraités sont particulièrement concernés par « les déserts médicaux », aussi bien comme praticiens pour ceux qui ont fait le choix de continuer leur activité, qu’en tant que patient, à titre personnel car les pathologies du vieillissement nous rattrapent, mais aussi et surtout pour nos familles et nos proches qui sont directement concernés par l’état de notre système de soins.

Nous ne pouvons pas restés indifférents car nous avons une expérience et des propositions à faire pour corriger les erreurs de nos gouvernements qui prennent des décisions pour des raisons politiques et qui sont très mal conseillés, sous l’influence des lobbys qui profitent de la gabegie du système au détriment des soignants et malheureusement de la qualité des soins.

Presque toutes les régions de France sont concernées par la désertification médicale qui est annoncée depuis longtemps et les gouvernements qui se sont succédé depuis plus de 30 ans ont été incapables de la corriger d’autant qu’ils l’ont créée eux-mêmes avec l’aide de responsables régionaux de la CPAM qui ont démultiplié les règles administratives en préférant s’attaquer surtout aux dépassements d’honoraires plutôt qu’aux pratiques abusives des consultations de quelques minutes qui sont plus de l’abattage que de la médecine, entraînant une véritable gabegie en examens complémentaires, en médicaments et en arrêt de travail de complaisance.

Le Conseil de l’Ordre des Médecins a publié l’état de la démographie médicale et vous savez que sa paupérisation touche toutes les régions de France, même Paris et l’Ile France.

Il est vrai que la chute de la démographie médicale est moins criante dans les villes qui ont des dispensaires et surtout des hôpitaux facilement accessibles, avec comme conséquence directe un afflux toujours plus important aux urgences pour des pathologies qui ne sont pas urgentes et même bénignes, embolisant le système au détriment des vraies urgences.

Je l’avais déjà expliqué dans un rapport demandé par la Direction générale de l’Assistance Publique en 1988, en soulignant qu’il fallait soulager les Urgences en amont par une vraie valorisation de la médecine de ville et en aval par une meilleure organisation des services d’hospitalisation. Le Professeur Steg, qui avait lu attentivement mon rapport pour préparer le sien destiné à la Tutelle, m’avait félicité à l’époque, mais il ne m’avait compris ou voulu me comprendre, voulant « intégrer les médecins généralistes dans la chaîne des urgences mais sans mettre les moyens au bon endroit, sans les valoriser, avec comme résultat une aggravation de l’Hospitalocentrisme et une médiatisation des urgentistes qui ont réclamé toujours plus de moyens sans comprendre et sans traiter les vraies causes.

Cette désertification est dramatique dans les campagnes, en particulier dans les régions reculées et difficilement accessibles, essentiellement à cause des transports.

Je me souviens que Roselyne Bachelot voulait que la France entière puisse être accessible en hélicoptère en cas d’urgence. C’était sans compter sur la météo et ce genre de déclaration a eu pour conséquences des accidents mortels, notamment pour des accouchements simples qui auraient pu être faits sur place si un soignant avait été formé pour cela.

Les causes des déserts médicaux sont multiples et je vais essayer de les analyser avec vous, et surtout de faire des propositions que je voudrais confronter à votre expérience et votre réflexion.

Cependant il est fondamental d’insister sur les causes principales de cette paupérisation qui sont la sélection par le numerus clausus et la dévalorisation de l’acte médical en particulier intellectuel, voulues par les gouvernements successifs depuis les années 1980, conseillés par des économistes de la Santé hypnotisés par le système du NHS anglais avec une théorie basique « de l’offre et de la demande », et des Professeurs des Universités complètement déconnectés de la réalité, plus préoccupés par le pouvoir acquis, pour eux-mêmes et pour développer leurs spécialités et obtenir des postes hospitaliers pour leurs élèves. Il est même possible de rajouter que les médecins eux-mêmes et leurs syndicats ont été complices au début de cette situation car c’était aussi un moyen d’éviter la concurrence à une époque où la démographie médicale était relativement pléthorique.

Nommé à l’Internat des Hôpitaux de Paris en 1975, j’ai fait un service national civil de 16 mois à la Réunion comme Interne en chirurgie, avant de revenir à Paris où j’ai fait toute ma carrière hospitalière à l’Assistance Publique. Mes interventions dans le fonctionnement de l’hôpital ont attiré l’attention de Jean De Savigny, le Mazarin de la rue Victoria, qui m’a demandé de devenir son Conseiller médical, tout en participant activement à l’ouverture de l’Hôpital Robert Debré avec des responsabilités importantes dans l’organisation du bloc opératoire, du dossier et des archives médicales, et bien sûr comme adjoint de mon chef service, alors que je venais tout juste d’être nommé Praticien hospitalier. Mes travaux scientifiques m’ont permis d’être accepté très jeune par la Société scientifique de ma spécialité aux USA (POSNA), et nous sommes seulement deux en activité à l’être encore, mais je n’ai pas pu franchir le barrage de ma hiérarchie et je me suis consacré à mes patients en public, puis très rapidement en privé pour pouvoir augmenter mon recrutement et avoir une rémunération décente me permettant de salarier une secrétaire qui m’était refusée dans mon activité publique et de loger ma famille à Paris. J’ai pu trouver mon équilibre en obtenant un poste de temps partiel pour partager mon activité entre l’hôpital public afin d’être accessible pour les plus humbles, et une activité libérale que j’ai continuée quand j’ai été mis à la retraite hospitalière en 2018. Activité libérale que je continue encore en consultation, après avoir été exclu au bout de 30 ans de l’Hôpital Américain de Paris à cause de mon âge, à la fois en ville à Neuilly sur Seine, et à Vannes où j’ai ouvert une consultation il y a dix ans pour essayer de corriger un désert médical car je suis le seul de ma spécialité dans tout le Morbihan.

C’est cette expérience mixte entre le public et le libéral qui a nourri ma réflexion et mon action politique depuis les années 80, avec comme base des études de Santé publique pendant 2 ans en 90-92 sur les Systèmes de Soins et l’Hôpital en France.

Ceux qui ont le temps de lire peuvent consulter mes travaux publiés sur mon site de politique générale avant cette conférence, sinon j’espère que vous aurez la curiosité de le faire après.

(www.societedavenir.com)

J’espère surtout que vous viendrez nombreux à cette conférence que je voudrai interactive pour nourrir notre réflexion commune et aboutir à des propositions constructives crédibles.

Olivier Badelon

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