Un article récent de Cécile Philippe, Directeur de l’Institut Molinari, mettant en cause la justification du débat sur l’égalité salariale entre les hommes et les femmes m’a interpellé. Pourtant il est fondamental pour notre société. Il n’est pas question d’entretenir une « guerre des sexes » mais simplement d’améliorer notre société pour qu’elle soit plus juste et plus efficace.
L’article de Cécile Philippe est d’autant plus intéressant qu’elle défend l’antithèse de l’égalité salariale, alors qu’elle est à la fois mère de famille (combien d’enfants ?) et économiste. Cependant son titre et son analyse sont plus que surprenants et je ne peux pas accepter en l’état ses arguments.
Pour commencer, je ne comprends absolument pourquoi « les écarts de salaire entre homme et femme peuvent en grande partie s’expliquer par des performances moyennes au travail plus faibles chez les femmes que chez les hommes ». J’aurai aimé connaître s’il s’agit de moyenne sur l’ensemble du monde du travail, ou pour tous les métiers analysés séparément et sur quels critères. Il faudrait même faire une analyse plus fine, journalière et presque horaire, pour se rendre vraiment compte de la rentabilité au travail en fonction du sexe. Surtout qu’il est avancé « pour preuve » le fait que « ces rémunérations plus faibles se constatent tout particulièrement chez les femmes dirigeantes qui n’ont d’autre employeur qu’elles mêmes. » Pour moi, cela n’a aucun rapport, par contre il est possible de retenir de cette information intéressante, que les femmes sont très probablement plus raisonnables et économes que les hommes au bénéfice de leur entreprise, ce qu’il faudrait vérifier.
Si « les femmes travaillent moins d’heures par semaine (-8,9% pour les femmes selon l’INSEE) », cela mérite d’être détaillé et expliqué pour avoir une rapport direct avec la différence de salaire, car il peut y avoir des variables multiples, notamment les heures supplémentaires. Quand au fait que « les hommes médecins réaliseraient plus d’actes à la journée que les femmes », il faudrait savoir quels actes et avec quelle efficacité. On peut même se demander si les femmes ne font pas un travail de meilleure qualité dans ce domaine précis, en tout cas dans les actes à dominance intellectuelle. Si vous vous basez sur une moyenne générale de toutes les consultations, il est exact que certains médecins font plus d’une centaine d’actes de consultations par jour, à raison de 23 euros la consultation. Cherchez l’erreur ! La nomenclature et le tarif opposable de la Sécurité sociale sont malheureusement complétement obsolètes et participent directement à l’inflation des dépenses de santé par les dépenses induites. Cette remarque n’est pas tout à fait hors sujet, car la rémunération est une forme de reconnaissance qui influe forcément sur les comportements. Il serait bien préférable de mieux rémunérer les actes médicaux pour améliorer de façon importante la qualité de la prise en charge humaine et diagnostique, ce qui permettrait immédiatement une baisse des coûts en médicaments et en examens complémentaires. Là aussi, il est possible de se demander si les femmes ne sont pas plus respectueuses de leurs devoirs professionnels, surtout si elles n’ont pas les mêmes impératifs financiers que les hommes.
Les femmes « sont moins disponibles que les hommes au travail parce qu’elles doivent justement assumer une part plus grande des charges familiales. » Es-ce de la disponibilité que d’être obligé de rester tard le soir pour assister à des réunions de travail qui commence en fin d’après-midi, ce qui est habitude en France, alors que ces réunions pourraient être faites à un autre moment de la journée? Les exemples sont multiples.
Personne de raisonnable ne veut faire passer « les femmes pour des victimes et les employeurs pour des bourreaux », d’autant qu’il y a de plus en plus de femmes qui occupent des postes de DRH, par contre il est évident que le système n’est pas encore suffisant pour aider les femmes à faire carrière tout en ayant des charges de famille importantes.
Enfin il est supposé qu’il faudrait «ériger les hommes en victimes des femmes du fait que les hommes ont deux fois plus de chance d’être accidentés du travail que les femmes ; et que plus de 90% des morts au travail étaient masculins ». Il est évident que les métiers sont bien différents. Ce n’est pas parce que les soldats qui meurent aujourd’hui en Afghanistan sont des hommes qu’il faut justifier les inégalités salariales entre les hommes et les femmes dans la société civile.
En conclusion, vous avez compris que bien que du sexe masculin et simple médecin, je ne suis absolument pas d’accord avec Cécile Philippe. Il n’est pas question de « créer une lutte entre homme et femme, là où elle n’a pas de raison d’être. » Vouloir élever les femmes dans la société ne veut pas dire contre les hommes ou abaisser les hommes. Il faut simplement essayer d’améliorer notre société pour qu’elle soit plus juste et plus efficace.
Pour cela il faut avoir du bon sens et essayer de sortir des schémas habituels. Ceci doit être fait sans oublier que les majorité des femmes, comme des hommes, sont dans des situations financières et sociales, bien éloignées de celle des cadres supérieurs ou des dirigeants d’entreprises.
Si j’avais eu connaissance de cet article plus tôt, j’aurai certainement invitée son auteur au colloque « FEMMES 2012 » que j’ai organisé récemment à la Salle Gaveau, et qui a été passionnant avec des intervenants remarquables.
Je suis persuadé que nous aurons tous à gagner de reconnaître les femmes à leur juste place dans notre société, aussi bien au travail qu’en famille.
La société française est en avance dans ce domaine par rapport à bien des pays européens. Ce n’est pas une raison pour ne pas continuer dans ce sens.
Il faut le faire car notre survie dépendra de notre capacité à faire des enfants et à les éduquer correctement. Pour le moment l’évolution physiologique fait que ce sont bien les femmes qui font les enfants et qui sont les plus aptes pour les élever, au moins en bas âge. Il faut donc les aider à travailler dans les meilleures conditions tout en ayant une vie de famille épanouie, ce qui permettrait certainement d’augmenter encore notre natalité pour assurer le renouvellement des générations et notre système de retraite par répartition, et peut être de diminuer le nombre de divorces qui atteint un chiffre inquiétant de 70% dans les grandes villes.
Pour moi, les solutions sont très simples*. Il faut d’abord respecter la loi qui veut que le salaire soit égal à charge de travail et compétence égales. Il faudrait avoir beaucoup plus d’horaires aménagés et surtout favoriser le travail à temps partiel à géométrie variable, au lieu de soustraire complétement les femmes du monde du travail quand elles ont des enfants, car elles sont forcément déconnectées de l’entreprise avec un retard qu’elles ne rattraperont jamais. La grossesse n’est pas une maladie et la grande majorité des femmes récupèrent très vite. Elles pourraient reprendre le travail très rapidement à condition de le faire à temps partiel de façon progressive et d’être aidées à la maison.
La France est en avance dans bien des domaines, notamment avec les crèches municipales et d’entreprises. Il faut encore les développer. Il faudrait aussi permettre la déduction fiscale complète des aides à domicile, aussi bien pour les enfants que pour les personnes âgées dépendantes, ce qui permettrait en plus de créer des emplois.
Enfin je suis persuadé que nous pourrions avoir une société bien différente, si les femmes avaient plus de pouvoir en politique. Il n’est pas question de vouloir mettre en place une parité, ou des quotas, mais de permettre à un grand nombre de femmes d’accéder aux postes de décision les plus importants, et de mettre en avant les meilleures d’entre elles. Pour cela il faut tout simplement interdire le cumul des mandats, aussi bien les mandats électoraux et politiques, que les mandats dans les conseils d’administration des entreprises.
Si le budget de la France avait été géré comme le budget d’un ménage, nous n’en serions pas là. Il faudrait peut être une femme pour redresser notre pays. Madame Thatcher a su le faire en Angleterre en son temps, même si son action a été parfois critiquable. À ce titre, j’ai été déçu que Christine Lagarde ne devienne pas notre Premier ministre au lieu de partir diriger le FMI. Je l’ai écrit sur le site internet du journal Le Figaro en son temps. Je le pense toujours. À ce jour, je soutiendrai sans aucune hésitation le candidat aux élections présidentielles qui s’engagerait à la prendre comme Premier Ministre, à condition de lui donner « carte blanche » et presque tous les pouvoirs.
En réaction à un article de Madame Cécile Philippe, Directeur de l’Institut Molinari : « Égalité salariale hommes-femmes : de qui se moque-t-on ? » publié le 28/6/2011 (http://lecercle.lesechos.fr/economie-societe/societe/221136097/egalite-hommes-femmes-moque-t-on)
Olivier Badelon
* 10 propositions en 2012 pour améliorer la condition féminine dans www.societedavenir.com>HARMONIE 2012>FEMMES 2012
Je vais transmettre à Madame Cécile PHILIPPE votre réponse pour qu’elle en prenne connaissance, un débat fructueux pourra, j’espère, sortir de vos, de nos échanges.
Je porte un autre article sur les femmes et la dépression. Cet article révèle une forte augmentation de la dépression chez les femmes d’une part, et d’autre part il parle des femmes hollandaises qui sont les femmes les plus au temps partiel d’Europe. Cet article déclare aussi que les Hollandaises sont les femmes les plus heureuses d’Europe ??? A oartir de ces informations et de constat sur le terrain auprès de femmes, mon intuition est que la revendication de certains mouvements féministes, demandant que toutes les femmes puissent travailler à plein temps, est une revendication militante mais non constatée sur le terrain auprès des femmes. Les femmes souhaitent pouvoir concilier vie professionnelle et vie familiale ce qui induit notamment d’être avec leurs enfants le mercredi par exemple. Je constate en effet cela chez certaines de mes amies qui, après des études brillantes (droit, médecine…), demande et exige un temps partiel, un 4/5. Cela tend à confirmer mon intuition que la revendication d’un travail à temps plein et une posture militante souvent infondée. Le problème soulevé par militantisme n’en est pas toujours un et là il faudrait des études qualitatives pour mieux préciser le désir des femmes sur ce sujet.
L’autre aspect qui me semble important est que l’organisation du travail permette aux femmes de concilier travail et enfants. Les réunions du soir devraient être limitées et votre proposition d’un retour progressif des femmes au travail après une naissance est une idée innovante et intéressante. De manière générale, les pères aussi devraient être plus incités à faire mieux concilier travail/enfants/famille… Des bonnes idées émergent comme le congé paternel en cas de naissance, c’est un début mais il faut aller plus loin. A mon sens nous devrions repenser la vie professionnelle avec des engagements familiaux et/ou associatifs plus marquer tout au long de la vie d’adulte. L’engagement associatif en complément d’un travail salarié (ou d’une direction d’une entreprise) est une expérience très enrichissante qui permet de venir en soutien de la société civile. Ainsi tout au long de sa vie on peut travailler mais aussi s’ouvrir à d’autres choses. En tout cas c’est ainsi qu’à 40 ans je souhaite que les choses aillent car il me semble que c’est nécessaire pour avoir des vies épanouies et réalisées dans plusieurs champs.
Le lien vers l’article sur les femmes, la dépression, les Hollandaises : http://www.homme-culture-identite.com/article-forte-hausse-de-la-depression-chez-les-femmes-87809464.html
Merci Alexis pour vos commentaires qui sont très pertinents.
Je suis heureux de voir que vous rejoignez ce que j’ai écrit sur la nécessité d’inventer un nouveau monde du travail.
Vous pouvez notamment consulter mon article sur « la Retraite à 65 ans avec une refonte du monde du travail » que vous pouvez trouver sur ce site et dans http://www.lecercle.leschos.fr
Merci de diffusez ces informations autour de vous, c’est la meilleure façon de diffuser des idées.
Bien à vous
Olivier Badelon
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article intitulé le débat sur l’égalité salariale hommes-femmes devrait être élargi au lieu d’être occulté. Je dois dire que j’appelle de mes vœux un débat contradictoire sur ce sujet, de préférence en y intégrant les travaux des chercheurs, chargés d’études et experts du sujet. Cela me paraît fondamental pour éclairer les citoyens et les décideurs publics ou privés.
Vous soulevez un certain nombre d’objections et de questions à l’article de Cécile Philippe dont l’argumentaire reprend pour une large part un article que j’avais publié sur Lepost, hébergeur qui a changé depuis.
J’ai donc republié une version knol (qui devrait malheureusement arriver à terme à son tour cette année), plus longue et plus complète qui répond aux questions et objections que vous soulevez : le mythe de l’écart salarial hommes-femmes de plus de 20 % à travail égal. Je vous en transmets l’adresse.
http://knol.google.com/k/cyrille-godonou/le-mythe-de-l-%C3%A9cart-salarial-hommes/1kw7nqxwaswpw/2#
N’hésitez pas à me faire part de toute remarque, question, critique ou suggestion qui vous paraîtra pertinente. Je tâcherai d’en tenir compte pour améliorer l’étude.
Pour l’heure, je vais tâcher de répondre brièvement aux points que vous soulevez. Pour plus de détails, veuillez consulter le lien précité.
1 « les écarts de salaire entre homme et femme peuvent en grande partie s’expliquer par des performances moyennes au travail plus faibles chez les femmes que chez les hommes ».
De très nombreux travaux révèlent que la part inexpliquée de salaire en moins pour les femmes serait de 0 % à 10 %. La part inexpliquée est la part qui ne s’explique pas par des facteurs classiques tels que le temps de travail, le secteur d’activité, l’ancienneté, la taille de l’entreprise, le niveau hiérarchique, le diplôme… Cette part inexpliquée est souvent assimilée à de la discrimination.
En réalité, d’autres facteurs peuvent encore réduire la part de discrimination pure : l’effort fourni, la motivation, la productivité et l’exigence salariale…Or, ces facteurs inobservés sont difficilement mesurables de façon directe. C’est pourquoi, plusieurs approches indirectes ont été développées pour estimer la discrimination et la productivité.
De très nombreux travaux aboutissent à des conclusions concordantes. Il n’y a pas ou peu de discrimination. Les femmes gagneraient à travail égal la même chose ou au pire 2 % à 3 % de moins.
A ce stade, il faut préciser aussi que la littérature scientifique évoque le fait que les femmes soient moins exigeantes sur le plan salarial.
Les femmes auraient une moindre productivité (5 % à 8 %). Des détails sectoriels sont fournis : le différentiel de productivité serait de 11 % en moins dans l’industrie et de 7 % dans les autres secteurs.
Le cas de la médecine a été plus précisément étudié et permet de distinguer l’écart de productivité liée au volume horaire, l’écart lié aux types d’actes médicaux (dont la tarification varie) et l’écart de productivité lié au nombre d’actes effectués pour une même unité de temps. Là encore, on constate un différentiel de productivité.
Je propose une autre approche pour apprécier le différentiel de productivité. Elle consiste à comparer l’écart de rémunération hommes-femmes entre les personnes ayant un employeur et celles qui sont leur propre employeur (non-salariés). La part inexpliquée par les facteurs classiques devrait donner une indication sur la discrimination, la productivité et l’exigence salariale. Il y a donc trois cas de figures :
Si l’on constate une plus grande part inexpliquée chez les salariés que chez les non-salariés, on peut l’interpréter comme une discrimination à l’encontre des femmes dans le monde salarial.
Si la part inexpliquée chez les salariés est équivalente à celles des non-salariés alors on peut considérer qu’il n’y a pas de discrimination.
Si l’on constate une plus petite part inexpliquée chez les salariés que chez les non-salariés, on peut l’interpréter comme une discrimination en faveur des femmes dans le monde salarial.
Avec cette méthode, il apparaît clairement qu’il n’y a pas de discrimination salariale. Les écarts de rémunération, à caractéristiques comparables, chez les non-salariés sont en faveur des hommes et ne peuvent s’expliquer par la discrimination mais par la productivité. Par rapport aux hommes, il est relativement plus intéressant pour une femme d’être cadre que d’être à son propre compte : les femmes auraient donc plus intérêt à être à salariées d’entreprises qui les discriminent que d’être à leur propre compte. De plus, les écarts bruts sont plus importants voire explosifs (et existent dans tous les secteurs sauf taxis) pour les non-salariés que pour les salariés.
2 Les femmes « sont moins disponibles que les hommes au travail parce qu’elles doivent justement assumer une part plus grande des charges familiales. » Es-ce de la disponibilité que d’être obligé de rester tard le soir pour assister à des réunions de travail qui commence en fin d’après-midi, ce qui est habitude en France, alors que ces réunions pourraient être faites à un autre moment de la journée?
Si on reprend la même démarche que ci-dessus. On constate que le volume horaire des hommes est plus important chez les personnes à leur propre compte comme chez les salariés. La disponibilité au travail n’est pas qu’une question d’employeur.
Selon l’article L 3121-2 du code du travail, le temps de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Ce temps est rémunéré.
3 Enfin il est supposé qu’il faudrait «ériger les hommes en victimes des femmes du fait que les hommes ont deux fois plus de chance d’être accidentés du travail que les femmes ; et que plus de 90% des morts au travail étaient masculins ». Il est évident que les métiers sont bien différents. Ce n’est pas parce que les soldats qui meurent aujourd’hui en Afghanistan sont des hommes qu’il faut justifier les inégalités salariales entre les hommes et les femmes dans la société civile.
Les statistiques relatives à la mortalité professionnelle dû aux accidents de travail (90 % à 95 % d’hommes) et aux maladies professionnelles (99 % d’hommes en 2005) concernent le régime général, dont ne relèvent pas en principe les militaires. Il ne s’agit donc que de la société civile. Par ailleurs, les principaux secteurs concernés par les maladies et accidents du travail, avec une forte mortalité, sont la construction, le transport et l’industrie.
Pour aller plus loin cf.
http://knol.google.com/k/cyrille-godonou/le-mythe-de-l-%C3%A9cart-salarial-hommes/1kw7nqxwaswpw/2#
Bien à vous,