De Olivier BERNHEIM – Avocat au barreau de Paris
Le 27 Janvier 2022
EDF et ORPEA, en cette fin janvier 2022, électrisent l’actualité, font fondre les plombs.
Leur dénominateur commun ? Les subventions.
ORPEA, l’un des 1ers groupes européens d’EHPAD, se trouve à l’épicentre d’un scandale qui trouvera ses réponses techniques puis, à n’en pas douter, judiciaires. La question qui chatouille est ailleurs. Comme tous ces groupes privés, il reçoit des subventions publiques parce qu’il participe à une forme de service social, et c’est fort bien. Problème qui ne lui est pas propre : ces groupes privés, rentables, font de beaux bénéfices.
Faire du bénéfice n’est pas la honte inadmissible que d’aucuns idéologues veulent voir : sans bénéfices, l’entreprise, quelle qu’elle soit, meurt. Le service public n’a évidemment pas ces contraintes, encore que…
En soi, les bénéfices de ces établissements sont donc plutôt sains.
Là où surgit la difficulté est que des subventions d’État, ou de collectivités locales, abondent leurs finances et permettent les bénéfices de ces groupes, sans passer jamais par une case de remboursement préalable. L’argent public sert ainsi à magnifier les bénéfices du privé. N’y a-t-il pas dans un tel circuit quelque chose de choquant ? Que des subventions aident à des activités reconnues utiles au public, c’est leur rôle. De là à voir des bénéfices qui dépassent largement le cadre du symbole, partir dans la poche des actionnaires, une sérieuse réflexion mérite d’être menée.
Certains ratios, d’abord celui du de personnel soignant par pensionnaire, ne peuvent être éludés sous peine de maltraitance.
Le financement du « 5ème risque » pose un sévère problème sociétal qui dépasse, certes, le cas des établissements privés, qui hébergent quand même actuellement ¼ des personnes âgées dépendantes.
Mais il y a pire : « Les fossoyeurs », titre du livre de Victor CASTANET, si les faits sont avérés, confirme, en pointillé, ce que l’on sait de longue date. L’État dépasse les sommets de la performance dans l’inefficacité cardinale des contrôles. Pour se cantonner à la santé, et à deux exemples, la perfection dans la défaillance du contrôle a été donnée, au-delà de tout espoir, tant dans le sang contaminé que pour le Médiator. En dépit de tout retour d’expérience, dont on peut douter qu’il existe, l’on n’a, en cette matière, pourtant pas insurmontable, toujours tristement pas décollé du zéro absolu. C’est le scandale dans le scandale, mais c’est celui dont on ne parle pas : l’arbre ORPEA cache trop confortablement la forêt de la carence d’État, sans doute pire, et plus grave.
Des têtes administratives devraient tomber, qui, soyons rassurés, ne tomberont pas. Comme d’habitude…
Pour EDF, l’augmentation brutale, et prévisiblement durable, du prix de l’énergie pompe les utilisateurs finaux, premières victimes de hausses devenant ruineuses. Et met aussi les opérateurs privés, qui achètent l’électricité à EDF, et fournissent leurs clients, puisque l’Europe aidant, il n’y a plus de monopole, en situation délicate.
Pour soutenir les opérateurs privés de vente d’électricité,exsangues, à qui EDF doit vendre ce que ces opérateurs revendent, l’État a trouvé une imparable parade : EDF doit leur vendre l’électricité à prix cassé pour limiter la répercussion des hausses.
Voilà donc le producteur contraint par l’État de recourir à des pratiques délibérément illégales : vendre à perte, dans un mouvement qui, en même temps, aboutit à financer ce qui devient une concurrence déloyale contre le fournisseur lui-même ! Quel fou, même le plus créatif, imaginerait pareil système ? Le producteur obligé par la puissance publique de promouvoir la concurrence déloyale à ses propres services par de la vente à perte. D’un côté un délit, de l’autre une faute habituellement sanctionnée, à juste titre, par les Tribunaux. Nous voilà dans une forme de cumul idéal, de concentré d’absurde, organisé précisément par l’État, en l’espèce mû par les politiques.
Imposer la fin d’un monopole est une chose. De là à dériver vers de telles pratiques pour maintenir à flot une concurrence biaisée, il y a un pas funeste.
Le prix fluctuant du baril de brUt augmente, celui du gaz suit, et le consommateur, ultime maillon de la chaine, s’en trouve étranglé.
Un peu plus d’un siècle en arrière, la politique de la canonnière aurait peut-être réglé le problème. On n’en est plus là.
Pour tenter de gommer un peu des hausses contre lesquelles il ne peut mais, l’État, aussi pris au piège, prend d’urgence des mesures d’accompagnement de diverses manières. Ces pansements ont de furieux airs de cautères sur des jambes de bois : jamais ils ne traitent l’effet, et n’ont au demeurant pas cette prétention.
Se libérer de la dépendance aux énergies fossiles, comme de ne pas descendre en-dessous de certains seuils de soignants, sont les seules voies. Déjà tracées, ou fléchées, elles sont semées d’embûches. Déjà, élections approchant, l’on manifeste pour la défense du pouvoir d’achat, avec cette facilité démagogique qui consiste toujours à continuer de s’attaquer à l’effet plutôt qu’à la cause.
Voilà près de 50 ans que le budget de l’État est déficitaire : un jour vient où l’on vous présente l’addition.
Quelles que soient les voies et solutions empruntées, le pouvoir d’achat pâtira de ces contraintes nouvelles.
D’aucuns, toujours prêts à reprendre l’antienne, un peu démagogique aujourd’hui, de nos arrière-grands-parents, il y a 150 ans, « le Boche paiera », ne manquent pas de hurler à l’atteinte aux libertés, en exigeant le maintien du pouvoir d’achat. Pour rester dans le vocabulaire électrique, à moins d’un miracle, nous n’y couperons malheureusement pas : les faits sont têtus.
Olivier BERNHEIM
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